La protection du salarié malade au Luxembourg
Monsieur X, salarié d’une entreprise de construction, est convoqué le 3 avril 2025 à un entretien préalable fixé au 8 avril 2025. Suivant cet entretien, et avant que le licenciement n’ait pu être notifié valablement par courrier recommandé, Monsieur X remet à l’employeur un certificat d’incapacité de travail valable jusqu’au 15 mai 2025 pour cause de troubles musculosquelettiques.
Question : L’employeur peut-il poursuivre la procédure de licenciement ?
Introduction
Le droit luxembourgeois du travail accorde une protection significative au salarié en incapacité de travail.
En vertu de l’article L.121-6 du Code du travail, un salarié déclaré en incapacité de travail ne peut pas être licencié pendant une période de protection légale.
Toutefois, cette protection n’est pas absolue. Une zone grise se dessine notamment lorsque la maladie intervient après la réception d’une convocation à un entretien préalable au licenciement ou encore après l’entretien préalable au licenciement.
Cadre légal de la protection contre le licenciement en cas de maladie
L’article L.121-6 (3) du Code du travail prévoit une protection contre le licenciement en cas de maladie pour une période de 26 semaines à compter de la date de l'incapacité de travail. Pendant cette période, l’employeur ne peut ni notifier un licenciement, ni convoquer à un entretien préalable, ceci même pour motif grave :
« L’employeur averti conformément au paragraphe (1) ou en possession du certificat médical visé au paragraphe (2) n’est pas autorisé, même pour motif grave, à notifier au salarié la résiliation de son contrat de travail, ou, le cas échéant, la convocation à l’entretien préalable visé à l’article L. 124-2 pour une période de vingt-six semaines au plus à partir du jour de la survenance de l’incapacité de travail. »
Cette protection tombe néanmoins si le certificat médical n’est pas transmis dans les délais. Le salarié doit en effet prévenir son employeur (ou un représentant) le jour même de son incapacité, soit oralement, soit par écrit. Il doit ensuite fournir un certificat médical au plus tard le 3e jour de son absence.
Une fois les 26 semaines passées, l’employeur peut mettre fin au contrat. S’il ne le fait pas, il doit compléter l’indemnité de maladie pour garantir le salaire net du salarié pendant encore 12 mois au maximum.
La jurisprudence : convocation préalable et incapacité de travail : deux actes dissociés
Mais que se passe-t-il lorsque l’employeur a déjà initié la procédure de licenciement avant que le salarié ne tombe malade ?
C’est là que la jurisprudence luxembourgeoise et les travaux préparatoires du législateur apportent une réponse claire : la maladie, survenue après la convocation à l’entretien préalable, n’annule pas la procédure.
La jurisprudence constante confirme que la convocation à un entretien préalable, envoyée avant la notification d’un arrêt maladie, reste parfaitement valable. Le salarié ne peut donc pas interrompre ou invalider la procédure de licenciement en se mettant en arrêt de travail une fois la convocation reçue.
Le Tribunal du travail l’a rappelé :
« Le salarié, ayant été régulièrement convoqué à l’entretien préalable à une époque où il n’était pas encore en incapacité de travail, ne peut faire échec à la procédure par la suite en invoquant une maladie postérieure. »
Ainsi, ce n’est pas la date du certificat médical qui compte, mais bien celle à laquelle l’employeur a initié valablement la procédure.
Exception notable : l’hospitalisation urgente
Le seul cas reconnu dans la loi (Projet de loi n°3222) comme permettant d’interrompre la procédure est celui d'une hospitalisation urgente intervenue immédiatement après la convocation. Dans ce cas spécifique, la maladie pourrait éventuellement empêcher l’entretien de se tenir, mais elle ne rend pas la procédure illégale pour autant. L’employeur devra éventuellement reporter l’entretien, mais il pourra toujours licencier le salarié dans le respect des délais.
Exceptions à la protection
La protection contre le licenciement ne s’applique pas si la maladie résulte d’un crime ou délit volontairement commis par le salarié, ou si l’avertissement ou le certificat médical arrivent après la notification de licenciement ou la convocation à l’entretien (sauf hospitalisation d’urgence).
Si un tiers est responsable de la maladie ou de l’accident (ex. : accident de la route), l’employeur peut récupérer les salaires qu’il a versés auprès de ce tiers.
Appréciation pratique : chronologie et bonne foi
Tout l’enjeu repose sur la chronologie des événements et la bonne foi des parties. Quatre cas de figure sont à envisager :
- Si le certificat médical a été posté avant la convocation à l’entretien, le salarié est protégé.
- Si le certificat médical a été posté après la convocation mais avant l’entretien, la procédure est valable.
- Si le certificat médical a été posté après l’entretien mais avant le licenciement formel, la procédure est valable.
- Si le certificat médical a été posté après le licenciement formel, la procédure est valable.
En guise de conclusion, si le salarié se dit malade après avoir pris connaissance de la convocation, mais sans preuve antérieure, la procédure suit son cours.
Si, en revanche, la maladie est avérée et connue de l’employeur avant la convocation, celui-ci commet une infraction en lançant la procédure.
Dans la pratique, les juges examinent aussi la crédibilité de l'arrêt de travail, surtout s’il est manifestement stratégique ou s’il vise uniquement à faire échec à la procédure.
Recommandations pratiques pour les employeurs
Pour éviter tout litige, un employeur souhaitant licencier un salarié doit :
- Dater précisément la lettre de convocation et conserver la preuve de son envoi (cachet de la poste ou envoi recommandé électronique) ;
- Respecter les délais légaux entre convocation et entretien (au moins 2 jours) ;
- Documenter toute absence du salarié à l’entretien, même pour raison médicale ;
- Notifier le licenciement dans un délai raisonnable après l’entretien (souvent dans un délai de 8 jours).
En cas de maladie postérieure à la convocation, l’employeur n’a pas l’obligation de reporter l’entretien, sauf hospitalisation urgente. Il pourra l’organiser en l’absence du salarié, sous réserve du respect des formes visées aux articles L. 124-2. et suivants du Code du travail.
Recommandations pratiques pour les salariés
Un salarié confronté à une convocation à un entretien préalable ne pourra pas échapper à la procédure en déposant un certificat médical après réception de la lettre. Il doit donc :
- Prendre au sérieux la convocation et se faire assister par un représentant du personnel ou un conseiller ;
- Se présenter à l’entretien, sauf si la maladie rend sa présence impossible ;
- En cas de réelle incapacité, en informer l’employeur sans délai, en joignant un certificat médical motivé ;
- Garder à l’esprit qu’un arrêt de travail ne protège pas d’un licenciement déjà engagé.
Conclusion
La protection offerte au salarié en incapacité de travail au Luxembourg est réelle, mais ne saurait constituer un outil dilatoire pour échapper à une procédure de licenciement déjà valablement engagée.
La loi, la jurisprudence et la doctrine sont claires : la maladie intervenue après convocation ne suspend ni n’annule la procédure. Seule une hospitalisation urgente pourrait justifier un report.
La clé réside dans le respect du formalisme, la bonne foi des parties et la chronologie précise des actes.
En cas de doute, un avis juridique est fortement recommandé, tant pour l’employeur que pour le salarié.